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Break Caribbean free from styrofoam

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POUR LE BANNISSEMENT TOTAL, DÉFINITIF ET INCONDITIONNEL DES CONTENANTS ALIMENTAIRES À USAGE UNIQUE EN POLYSTYRÈNE (STYROFOAM) EN HAÏTI

Pour la dignité et l’exemple

Banderole du colloque

De quoi parle t-on ?

Le styrofoam est une marque déposée par la compagnie américaine « The Dow Chemical Company ». Le produit qui le compose est le polystyrène.

Le constat

Il est hygiénique, il est pratique, il est léger, il est très bon marché (à l’achat). Petite assiette à dessert, grand format, assiette à soupe, bol, grand gobelet, petit gobelet à café, boîte à repas ; il est incontournable.
En Haïti, on le trouve partout, dans les établissements publics, dans les agences de coopération, dans les organisations non gouvernementales, dans les Ambassades, dans les entreprises, dans les restaurants, dans les commerces de rue, dans la rue, dans les arbres, dans les ravines, dans les canaux d’irrigation, dans les palétuviers, dans la mer, dans les poissons.
On l’appelle bwat manje, asyèt katon, anbwate, fòm, foam ou styrofoam.

Un arrêté de plus qui n’arrête rien…

L’arrêté ministériel du 10 juillet 2013 « interdit la production, l’importation, la commercialisation et l’utilisation, sous quelque format que ce soit, des sacs en polyéthylène et des intrants et objets en polystyrène expansé (PSE ou PS cristal ou styrofoam) à usage alimentaire unique, tels que plateaux, barquettes, bouteilles, sachets, gobelets et assiettes ».
Le dernier communiqué conjoint en date du 29 janvier 2018 prévoit le déploiement de brigades spécialisées sur l’ensemble du territoire pour veiller à la stricte application des dispositions dudit arrêté.
Concrètement, le polystyrène est en parfaite libre circulation sur l’ensemble du territoire haïtien et au-delà.

Le polystyrène : un enjeu majeur de santé publique

Comme tous les plastiques, le polystyrène est un produit pétrochimique ; il provient du pétrole. Il est composé de benzène et de styrène. L’Agence de Protection Environnementale (EPA) des États-Unis et le Centre international de recherche sur le cancer ont classé le styrène comme un possible cancérogène humain [1].
Le benzène et le styrène auraient des incidences sur la Maladie de Parkinson et la leucémie [2].
Une exposition prolongée et intense au styrène se traduit par des troubles du système nerveux tels que les changements dans la vision des couleurs, de la fatigue, une sensation d’ébriété, un temps de réaction ralenti, des problèmes de concentration ou des problèmes d’équilibre.
La combustion du polystyrène libère du monoxyde de carbone et des monomères de styrène dans l’environnement, ce qui peut être extrêmement dangereux pour la santé [3].
Les aliments et liquides chauds provoquent une dégradation partielle de la mousse de polystyrène, ce qui entraîne l’absorption de certaines toxines dans le sang et les tissus [4].
Dans les aliments emballés auxquels on ajoute de la chaleur (comme la température des micro-ondes), la vitamine A se décompose et produit du m-xylène, du toluène et du 2,6-diméthylnaphtalène. Le toluène dissout agressivement le polystyrène. Le polystyrène n’est donc pas un emballage approprié pour les produits contenant de la vitamine A (ex : fruits frais) ou les produits micro-ondes qui en contiennent.
Jetés et amassés dans l’environnement, les contenants en polystyrène sont des niches de prolifération de nuisibles et de formidables vecteurs de contamination en tout genre, d’autant qu’apparaissent des comportements à risque pour la santé publique : sur les places publiques et dans certains quartiers populaires des personnes défèquent dans les boites en styrofoam.

Le polystyrène : un impact environnemental avéré

Contribution au réchauffement climatique

L’industrie du polystyrène est le deuxième producteur mondial de gaz à effet de serre en raison de l’utilisation du pétrole comme matière première, selon le California Integrated Waste Management Board [5]. Pour 1 000 kg de résine de polystyrène produite, 3 242 kg d’équivalent CO2 sont émis [6].
Par ailleurs, le processus de fabrication du polystyrène pollue l’air et crée de grandes quantités de liquides et de déchets toxiques.
Comme tous les polymères basés sur une chaîne d’hydrocarbures, le polystyrène est classé comme non biodégradable à un horizon séculaire [7].

Le polystyrène est recyclable, mais il n’est presque jamais recyclé
Le polystyrène présente un faible taux de récupération et de recyclage. En Haïti 0% des contenants alimentaires en polystyrène ne sont ni récupérés ni recyclés.
Selon une étude de l’Université Harvard sur le polystyrène expansé, le recyclage de ce matériau est un cercle vicieux, car lorsqu’il est incorporé dans d’autres produits - qu’ils soient en polystyrène ou en plastique - ce seront quand même de futurs polluants.

Le polystyrène, vecteur de pollution des eaux

Le polystyrène expansé est le principal polluant des océans, des baies et autres sources d’eau. Le polystyrène cause l’étouffement et la famine chez les animaux sauvages dont les animaux marins.

Le polystyrène, un danger pour la biodiversité et les écosystèmes

Le polystyrène prendrait 500 ans pour se décomposer. Dans le milieu marin, devenu plus petit, le plastique constitue une grave menace pour la biodiversité : il peut ainsi être ingéré par les poissons, oiseaux et autres organismes marins, provocant blessures et étouffements. Sans compter que ces déchets génèrent des substances toxiques dans les océans et peuvent créer un déséquilibre des écosystèmes [8].

Le polystyrène : un impact économique

Alors qu’Haïti s’affiche comme une destination touristique, la pollution visuelle générée par les ustensiles en polystyrène a indéniablement un impact négatif sur le développement à long terme de ce secteur économique exigeant. De plus, par temps venteux, les déchets flottants au large sont ramenés vers le littoral, ce qui n’incite ni à la flânerie ni à la baignade, ni à la contemplation.
Plus globalement l’image d’Haïti à l’extérieur est ternie par ces amoncellements infâmes de déchets ; ce qui n’incite pas à l’investissement.
Au niveau agricole, les producteurs mesurent l’impact négatif des fragments de polystyrène sur la productivité des terres. Les animaux d’élevage ingèrent des particules de polystyrène quand ils « pâturent » dans les ravines. Une étude sanitaire poussée mériterait d’être menée pour mesurer le degré de contamination des tissus destinés à la consommation humaine.
La mousse de polystyrène n’est pas aussi bon marché qu’il n’y paraît. En fait, le coût réel de l’usage de ces articles à usage unique est stupéfiant ; si l’on tient compte des coûts de nettoyage, des émissions de carbone, des coûts environnementaux et des effets potentiels sur la santé [9].
Enfin, le polystyrène alimente les circuits de contrebande.

Le styrofoam : un enjeu géopolitique sous-estimé

Le polystyrène d’Haïti alimente le septième continent de plastique

Puisqu’il n’est ni récupéré, ni recyclé, le polystyrène utilisé en Haïti se retrouve dans les mers et océans. Jusqu’alors, les débris flottants étaient détruits par les micro-organismes, mais cela n’est plus le cas avec l’arrivée des plastiques, essentiellement du polyéthylène, du polypropylène et du PET, qui constituent 90 % des déchets maritimes. Or, ces quantités ne cessent d’augmenter. On estime que 300 millions de tonnes de plastique sont produites chaque année dans le monde, dont près de 10 % finissent dans les océans [10].

Conflit de voisinage

Certains pays de la Caraïbes, qui misent leur économie sur l’image de plages de rêve, voient d’un très mauvais œil leur pollution par l’échouage des déchets des pays voisins dont Haïti. Il est tout à fait envisageable qu’Haïti soit appelée à rendre des comptes et à assumer des mesures compensatoires.

Le polystyrène : un vecteur d’injustice sociale

Les consommateurs de contenants en polystyrène ne sont bien trop souvent pas les victimes directes de la pollution. En effet, avec les eaux de ruissellement, ces boites si légères descendent ravines et rivières et s’amoncellent en aval. Cité-Soleil et d’autres communes côtières sont particulièrement concernées par des amas immondes de polystyrène et autres déchets non biodégradables en tout genre.
Il existe un autre niveau d’injuste social entre ceux qui font de très gros profits à commercialiser les contenants en polystyrène et ceux qui en subissent les effets à l’autre bout du circuit.

Le polystyrène : une question de dignité humaine

Il est indécent et crapuleux d’importer, de commercialiser, d’utiliser et de tolérer les contenants alimentaires à usage unique comme le polystyrène dans un pays comme Haïti où la corruption prive ses habitant-es d’une vie décente dans un environnement sain.